Mystère des nappes phréatiques : défis malgré les records de pluie automnale
Alors que les précipitations abondantes des dernières semaines auraient dû logiquement contribuer au réapprovisionnement des nappes phréatiques en France, la réalité semble plus complexe. Les nappes souterraines sont-elles véritablement remplies ? Les experts, tels que ceux du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), nous avertissent qu’il est encore trop tôt pour crier victoire.
Le paradoxe des nappes phréatiques
Malgré les précipitations records de cet automne, le niveau des nappes phréatiques ne reflète pas toujours la générosité des pluies.
Ce paradoxe soulève des questions cruciales sur les processus hydrologiques et les défis auxquels sont confrontées ces réserves d’eau souterraines essentielles.
De même, les hydrogéologues du BRGM ont laissé transparaître une réalité inquiétante. Seulement 65 % des niveaux des nappes phréatiques étaient revenus à la normale au 1er novembre 2023 ! Plus préoccupant encore, près d’une nappe sur cinq affichait des niveaux très bas, contribuant ainsi à maintenir des arrêtés sécheresse dans une trentaine de départements.
Les facteurs en jeu
1. Sol déshydraté : plus qu’une simple pluie nécessaire…
La capacité d’absorption du sol joue un rôle majeur dans le réapprovisionnement des nappes phréatiques.
Des sols déshydratés, résultant d’une sécheresse antérieure, peuvent limiter l’infiltration de l’eau, même lors de pluies abondantes.
Cette réalité complexe influence directement la remontée des nappes.
2. Une recharge délicate et inégale des nappes
La situation devient critique lorsque l’on considère le rythme habituel de recharge des nappes entre mi-octobre et mi-avril. Traditionnellement, cette période coïncide avec la dormance des plantes, permettant aux pluies de remplir les sous-sols. Cependant, le changement climatique, avec ses épisodes de chaleur tardive, parfois hivernale, et un printemps de plus en plus précoce, réduit cette fenêtre de recharge.
Et pour preuve cette année, le mois de septembre exceptionnellement chaud a entraîné une végétation plus active et surtout tardive jusqu’en novembre ! Et par conséquent, l’infiltration des pluies dans le sol en fut ralentie, avec un impact inégal sur le rechargement des nappes selon certaines régions comme le sud de l’Alsace et le couloir Rhône-Saône.
3. Ruissellement superficiel : l’eau coule en surface
Les records de pluie peuvent entraîner un ruissellement superficiel significatif, où l’eau excédentaire s’écoule rapidement à la surface sans pénétrer profondément dans le sol. Ce phénomène limite l’apport direct aux nappes, créant ainsi une disparité entre les précipitations et la recharge effective.
De plus, certaines régions font face à d’autres défis. Suite aux tempêtes et pluies abondantes des dernières semaines, certains sols sont gorgés d’eau ! Ils rendent alors l’infiltration dans les sols complexe dans ces secteurs inondés. Le niveau de ces nappes phréatiques demeure bas voire critique.
4. Utilisation excessive des ressources par l’homme
La surexploitation des nappes phréatiques à des fins agricoles, industrielles et domestiques peut compromettre leur capacité à se rétablir malgré des conditions météorologiques favorables. La gestion responsable de ces ressources devient donc cruciale pour assurer leur durabilité.
5. Quelles perspectives pour le futur ?
Cette situation souligne l’importance de bien comprendre les mécanismes hydrologiques complexes par tous les acteurs en jeu. Ce qui permettrait d’ouvrir la voie à de nouvelles pratiques de gestion de l’eau plus durables, essentielles pour garantir la disponibilité future des ressources hydriques.
En effet, bien que les nappes phréatiques semblent se remplir rapidement, elles peuvent également se vider tout aussi facilement. Tout dépendra de l’hiver à venir, avec des prévisions de Météo France annonçant des températures plus chaudes que la normale…
Fonctionnement des nappes phréatiques
Les nappes phréatiques, également connues sous le nom d’aquifères, sont des réservoirs naturels d’eau souterraine. Voici comment elles fonctionnent :
1. Infiltration : L’eau de pluie, de fonte des neiges, ou d’autres sources comme les cours d’eau, s’infiltre dans le sol et descend jusqu’à atteindre une couche de roche poreuse ou de sédiments comme le sable ou le gravier.
2. Zone saturée : Lorsque l’eau remplit tous les interstices entre les grains de la roche ou du sédiment, elle crée une zone saturée, c’est-à-dire une nappe phréatique.
3. Zone non saturée : Au-dessus de la nappe phréatique se trouve la zone non saturée, où les interstices contiennent de l’air et de l’eau. Cette zone est aussi appelée zone vadose.
4. Nappe libre et nappe captive :
• Une nappe libre est une nappe dont le niveau peut varier librement sans être bloqué par une couche imperméable. Si on crée un puits dans une telle nappe, le niveau de l’eau reste inchangé.
• Une nappe captive est sous pression, bloquée entre des couches imperméables. Lorsqu’on y ouvre un puits, l’eau peut monter au-dessus du niveau de la nappe, voire jaillir du sol, c’est le phénomène d’artésianisme.
5. Recharge des nappes : Les nappes phréatiques se rechargent principalement grâce aux eaux de pluie et de fonte des neiges. Une partie de cette eau s’infiltre dans le sol pour rejoindre la nappe, tandis que le reste peut s’écouler en surface ou être utilisé par la végétation.
6. Rôle écologique : Les nappes phréatiques sont essentielles pour maintenir les débits d’eau dans les rivières et les lacs, contribuant ainsi à l’équilibre des écosystèmes aquatiques.
La gestion durable des nappes phréatiques est cruciale pour préserver ces réserves d’eau douce vitales pour l’irrigation, la consommation humaine et animale, et pour soutenir la biodiversité.
Conclusion
Malgré les records de pluie cet automne, le mystère des nappes phréatiques persiste, révélant la complexité des interactions entre les précipitations et la recharge des nappes. Il est impératif de préserver les niveaux des nappes et de promouvoir la sobriété en eau. Il est crucial que les instances en jeu restent informées sur l’évolution de la recharge des nappes souterraines, car cela impacte directement notre approvisionnement en eau.
Sources :
Météo-France – Bilan climatique de l’automne :
https://meteofrance.com/comprendre-la-meteo/saisons/automne
Ministère de la Transition Écologique – Gestion durable de l’eau :
https://www.ecologie.gouv.fr/
BGRM : Nappes d’eau souterraine au 1er novembre 2023 : https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/nappes-eau-souterraine-au-1er-novembre-2023
Le site info-secheresse.fr
Crédit image : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/sol-sec-fissure-dans-la-zone-desertique-5273091/